Les emojis, un langage universel ?

L’histoire des emojis commence en 1999 ( quelle année! ) avec Shigetaka Kurita, designer japonais alors âgé de 25 ans, qui les a créés pour améliorer la communication sur les téléphones mobiles au Japon. Le « e » 絵 / え signifiant image et « moji » 文字 / もじ signifiant caractère.

Mais c’est leur intégration dans l’Unicode en 2010 qui a permis une standardisation mondiale.

Appartée : L’Unicode est un système de codage de caractères utilisé par les ordinateurs pour le stockage et l'échange de données textuelles. ( cf. Wikipedia )

Depuis, les emojis ont évolué pour devenir un outil plus ou moins universel capable de dépasser les barrières linguistiques et culturelles.

Aujourd’hui, ils sont bien plus que de simples pictogrammes. Par exemple, dans des contextes éducatifs, comme les hôpitaux pour enfants atteints de handicaps mentaux, les emojis sont utilisés pour aider les jeunes enfants atteints d’autisme à exprimer leurs émotions et à mieux s’intégrer socialement, le langage corporel n’étant pas acquis de fait de leurs conditions ; “ Ekman et Friesen ont avancé qu'il existe six émotions universelles – le bonheur, la colère, la tristesse, la surprise, la peur et le dégoût – avec des expressions faciales typiques associées” (cf Autisme, attachement et alexithymie : étude de la compréhension des émojis by Hannah Taylor Christopher J. Hand Hannah Howman Ruth Filik )

Cet usage est un des nombreux exemple qui illustre leur potentiel à transcender les mots et à favoriser une communication empathique.

Typologie des emojis et leurs applications

Les emojis ne se limitent pas à des visages souriants de couleurs jaune (cf MSN pour les plus anciens) . Leur diversité permet une personnalisation et une utilisation adaptées à de nombreux contextes. Voici quelques exemples clés :

• Emojis clavier (type :p ): Ces symboles minimalistes composés à partir de caractères typographiques occidentaux, sont les pionners de l’expression émotionnelle numérique. Légers, intemporels et accessibles, ils ajoutent une touche d’authenticité et de nostalgie aux messages. Vu comme dépassés par certains, ils restent intéressants, surtout dans des contextes où la surcharge visuelle est à éviter.

  
  

• Emojis classiques ( claviers Apple/ Samsung… ): Les visages, objets ou activités, désormais personnalisables (couleurs de peau, cheveux, handicaps), permettent de mieux représenter la diversité des utilisateurs, leurs états d’âme, leurs actions ou encore leurs pensées. Cette évolution pousse à une communication inclusive mais aussi universelle, adaptée aux sensibilités culturelles et individuelles ; introduction d’emoji propre à certaines cultures, religions ( main de fatma, mauvais oeil, église )…

  
  

• Kaomojis : Ces expressions japonaises textuelles, plus nuancées que les emojis classiques, enrichissent la communication par des mise en forme complexe et souvent fantaisistes. Originaires du Japon et à l'origine, créés via le clavier japonais, les kaomojis exploitent la richesse typographique de cette langue, qui comporte une multitude de “kanas” et caractères graphiques spéciaux. Beaucoup de typographies asiatiques possèdent cette particularité et offrent d'innombrables possibilités créatives. D'abord populaires en Asie, ils se sont répandus à l’international via notamment la “culture otaku”. ( Je prépare un article à ce sujet ! )

  
  

• Emotes sur Twitch/Discord : Ces emojis personnalisés jouent un rôle central dans le renforcement du sentiment d’appartenance au sein des communautés en ligne. Réalisés par le streamer où via des “comissions” d’artistes spécialisés ; ils sont sont conçus sur mesure afin de permettre à leur audience d’interagir de manière unique et différenciée. Avec des emotes personnalisés, ils ne se contentent pas d’exprimer des émotions ; ils construisent une identité de groupe unique et favorisent le sentiment d’appartenance d’un viewer d’un tchat à un autre !

  
  

• Memoji et emojis personnalisés : Apple a poussé encore plus loin la personnalisation en permettant aux utilisateurs de créer des avatars animés reflétant leur apparence et leur personnalité. Cela ajoute une touche personnelle à chaque interaction, en rendant les échanges plus expressifs notamment via la fonctionnalité vidéo.

  
  

Mentions honorables : Les emojis pixel art MSN, Les emojis animés, Les emojis meme, Les emojis 3D, ou encore les Emoji de marque…. ( mais on ne va pas tous lister quand même ! )

À noter : Un émoticône est une chaîne de ponctuation ( ^^ ), un Smiley est sa représentation graphique ( ☺️ ) & les Emojis sont la grandes familles qui rassemblent aussi les autres sous familles.

L’impact des emojis sur l’expérience utilisateur

1. Simplification et narration visuelle

Les emojis permettent de condenser des messages complexes en un format visuel simple et accessible. Dans une logique de narrative UX, ils rendent les interactions plus ludiques et mémorables.

Par exemple, l’application Fruitz utilise des emojis pour coder différents types de relations et faire comprendre des significations complexes complexe longues à articuler via un biais plus ludique et engageant pour ses utilisateurs.

2. Amélioration de la lisibilité

Dans l’UX writing, les emojis brisent la monotonie des blocs de texte en ajoutant de la clarté et du dynamisme, en bref ils “cassent la structure” avec une touche graphique peu austère et familière. Ils permettent également d’alléger le ton, rendant les interactions plus humaines et moins formelles.

3. Renforcement de l’accessibilité

En tant que langage visuel, les emojis facilitent la communication pour les utilisateurs ayant des barrières linguistiques. Ils rendent également les interfaces plus accueillantes et inclusives.

Un étape de validation peut être accompagnée d’un emoji heureux.

Les défis des emojis en UX

Malgré leurs nombreux avantages, les emojis posent également des défis qui méritent d’être pris en compte :

1. Contexte culturel et générationnel

Félicitations, tu as réussi ! Regarde; si je termine cette phrase avec cet emoji, le ton avec lequel aura lu la phrase changera complètement, n’est-ce pas ? 🤬

Cet exemple illustre bien qu’un emoji peut changer de touts au touts la compréhension d’une phrase et influencer le ton avec lequel tu vas t’adresser à l’utilisateur.

La perception de certains emojis est influencée par de nombreux paramètres : les groupes sociaux ( famille, amis ), les réseaux sociaux ou même encore la génération à laquelle on appartient. Par exemple, certains emojis interprétés comme “cools” par les plus jeunes utilisateurs peuvent sembler inappropriés ou incompréhensibles pour un échantillon d’utilisateurs plus âgé.

Prenons les emojis comme 🤠, 💀 ou 😘 : bien qu’ils aient une signification officielle évidente, leur utilisation par les jeunes s’accompagne souvent d’intentions complètement détournées, allant du sarcasme au second degré ( la “💀” souvent utilisée dans un contexte de rigolade ). Certains emojis, dont nous tairons les exemples les plus explicites, ont même des significations cachées qui échappent à d'autres groupes sociaux ou générations.

L’exemple le plus récent est l’utilisation de la pastèque en référence à la lutte pour la liberté du Peuple Palestinien 🇵🇸 sur les réseaux sociaux ( Free Palestine !! 🍉 )

Ce décalage souligne l’influence des contextes culturels et générationnels sur la manière dont les emojis sont interprétés et utilisés au quotidien.

En somme, la simplicité est de mise lors d’une utilisation d’emoji sur une interface pour éviter tous malentendus.

2. Perception de non-professionnalisme

Dans certains contextes, l’utilisation d’emojis peut être perçue comme trop décontractée ou même inappropriée, créer un décalage évident entre le ton employé et la cible.

Par exemple :

• Dans le domaine pharmaceutique où la neutralité est primordiale, les emojis pourraient introduire une ambiguïté voir un ton léger inapproprié face à des sujets graves, comme la santé.

• Une maison de couture de luxe utilisant des emojis dans ses campagnes pourrait perdre son caractère exclusif et intemporel.

  
  

Les emojis sont des outils puissants de communication, ils doivent être utilisés avec prudence. Une analyse fine de l’audience, du message, de l’identité de marque et surtout du ton à employé est essentielle pour éviter tout risque de perception négative.

3. Surcharge visuelle

Les emojis possèdent en fonction de leurs design, de leurs couleurs un poids graphique réel capable d’influencer la perception globale d’un design d’interface.

Trop d’emojis dans une interface utilisateur peuvent entraîner une surcharge cognitive, rendant l’expérience confuse et inefficace. Une utilisation excessive peut également distraire l’utilisateur des informations essentielles.

Mais du coup : Comment intégrer les emojis dans votre UX design ?

Pour maximiser leur impact sans tomber dans leurs pièges, voici quelques recommandations pratiques :

• Soyez stratégique : Utilisez les emojis uniquement lorsqu’ils ajoutent une valeur, comme simplifier un message ou renforcer une émotion ( un succès, un échec… )

• Adaptez-vous à votre audience : Prenez en compte les préférences culturelles et générationnelles pour éviter les malentendus.

• Maintenez un équilibre : Limitez leur nombre pour éviter de surcharger vos interfaces et privilégiez des designs épurés. Evitez de les ajouter dans des blocs de textes compacts.

3. Problème d’accessibilité

Communiquer uniquement via emoji est une faute à ne pas faire ; eh oui, à moins qu’une réelle direction s’articule autours de l’utilisation d’emoji ( qui doit être expliqué en amont cf Fruitz ), s’y tenter risque de vous exposer à de nombreuses erreurs d’accessibilités.

Et si les emojis ne sont pas compris ? Et s’ils ne s’affichent pas ? L’information doit toujours être comprise et l’utilisateur doits pouvoir se passer d’emoji dans son parcours pour naviguer, leurs valeur ne dois-être qu’accessoire.

De plus au delà des personnes atteints de handicap mental déficients, la difficulté d’interpréter les emojis s’impose aussi aux personnes atteintes de déficience visuelle devant utiliser un lecteur d’écran. Chaque emoji décrit allonge considérablement le temps nécessaire pour écouter une information, sans réel intérêt. Vous pouvez tester cela vous-même en utilisant la commande vocale de Siri lorsqu’un contact avec une série d’emojis vous appelle. 😊

En conclusion : Les emojis, alliés capricieux de l’UX

Les emojis ont révolutionné notre manière de communiquer, ils ont un objectif social : ajouter du sens et réduire le « manque de compréhension » de la communication en ligne; Ils injectent une dose d’émotion et de légèreté dans un monde numérique souvent froid et impersonnel. Bien disposés dans une interface, ils humanisent les interactions et rendent les designs plus accessibles et plus humains pour les utilisateurs. Cependant, leurs utilisation doit être articulée avec subtilité.

Entre les sensibilités culturelles, les interprétations générationnelles et le risque de paraitre “cringe” (cf Larousse de la Gen Z), leur utilisation relève parfois de la side quest impossible.

L’important c’est de se rappeler qu’un emoji peut tout changer, pour le meilleur ou pour le pire. Testez-les, regardez comment vos utilisateurs réagissent, et surtout, ne perdez jamais de vue cette vérité universelle : parfois, un simple texte évite un gros raté.

Si ce sujet vous a intéressé je vous invite à aller lire celui ci, très interessant pour comprendre le process de Monsieur Shigetaka Kurita.

Je vous redirige aussi vers le mon Tiktok où je décrypte plus en profondeurs les différentes typologies d’emoji :